L’information avait sans doute circulé dans la
diaspora sur facebook mais je n’ai su qu’en début d’après-midi que le leader de l’Union nationale Casimir Oyé Mba était à Paris en
conférence. Quand on m’a donné l’adresse, à la Mutualité, je n’imaginais pas qu’il
s’agirait de la grande salle, et pourtant si, les spectateur-trice-s étaient
accueilli-e-s par des hôtesses souriantes, dans un décor somptueux. Il s’agissait
plus d’un show de campagne de la présidentielle du 27 août que d’une conférence-
débat. Le show a commencé très en retard, devant 200 personnes environ.
Casimir Oyé Mba sera probablement le candidat du
Front uni de l’opposition gabonaise et il
l’est déjà pour l’Union national. La question de la primaire du Front est
en suspens, mais pour lui la campagne semble déjà lancée. Il y a deux ‘parties’
du Front uni de départ de 2014, puisque Jean Ping en a emporté une partie avec
lui, ou deux Fronts, selon comment l’on voit les choses. Trois grands candidats
seront sans doute en lisse le 27 août, Casimir Oyé Mba, Jean Ping et Ali Bongo.
Quelques candidats sans doute moins importants sont aussi annoncés dont Bruno
Ben Moubemba.
Le scénario que tout le monde a en tête, c’est une
mascarade électorale de dictature classique, puisqu’en dictature en Afrique, il
n’y a eu que trois
élections correctes depuis 1990 (Congo B 1992 suivie 5 ans plus tard d’une
guerre annulant son effet, Ghana 2000, Kenya 2002). Ali Bongo pourrait gagner en
dictateur normal avec 40% au premier tour, par exemple – pure hypothèse de
travail –, 15% de votants réels, 10% de votants mineurs et étrangers issus de
la fraude au niveau du fichiers électoral, 10% de résultat en plus le jour du
vote par bourrages d’urne et falsification des procès verbaux, 5% de résultat supplémentaires
ajouté à la compilation des procès verbaux à la CENI, et le tout validé par la
Cour constitutionnelle aux ordres. La question que tout le monde se pose, c’est
donc de savoir si l’opposition divisée arrivera à éviter ce scénario. Ali Bongo
est un dictateur faible, qui fait parfois pitié, mais l’exemple de Faure
Gnassingbé au Togo montre que les dictateurs faibles peuvent être très
résistant, très créatif, et n’avoir aucune pitié au moment des élections.
Le 16 mai 2016, Jean-Marie Le Guen, Secrétaire
d’Etat français auprès du Premier ministre Manuel Valls chargé des Relations
avec le Parlement français a rencontré Ali Bongo, et la présidence gabonaise a indiqué
après ce rendez-vous qu’il avait « confirmé
la bonne marche des institutions politiques Gabonaises et a souligné
l’assurance fournie par le Président de la République de la présence
d’observateurs étrangers au Gabon pour témoigner de la transparence du scrutin
présidentiel. » Derrière la communication, on ne sait pas ce qui s’est
dit. Malgré l’historique de la Françafrique et du financement des partis
politiques français, la probabilité d’un soutien
actif d’Ali Bongo à la manière de Sakozy et Kouchner en 2009 est
impossible. Mais on se demande ce qu’est allé faire Jean-Marie Le Guen pour discuter d’un sujet pour lequel il n’a
aucune compétence et aucune responsabilité. Rien qu’à ce niveau, on est déjà
dans les méthodes de la françafrique classique.
Un autre
aspect très françafricain et récent est aussi l’affaire du désastre de la biométrie
électorale installée par Gémalto en 2013. Cette histoire n’a jamais été
soldée et le fichier électoral actuel ne convient pas à une élection
démocratique.
Le journaliste Désiré Ename fait la présentation.
Une représentante de des ‘Femmes-commandos’ a d’abord évoqué la stratégie
Destitutions-Transitions-Elections (DTE) avec une conviction profonde, en
interrogeant Casimir Oyé Mba. Puis elle l’a interrogé sur la transparence du
processus électoral, avant de déclarer que le Gabon n’est pas un pays
islamique, qu’il est laïc. Ensuite intervenait le coordinateur de la Coordination
des Association et Partis Politiques de l'Opposition Gabonaise En Europe
(CAPPO), Jean-Jules Mikala Nziengui, qui a insisté lui aussi sur la DTE, puis
sur l’acte de naissance d’Ali Bongo. Désiré Ename revient pour parler de Casimir
Oyé Mba, son parcours comme cadre de la Banque
des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) et de ministre d’Omar Bongo pendant
19 ans jusqu’en 2009, premier ministre après la Conférence nationale, de
ministre des hydrocarbures.
Le leader de l’Union nationale commence par une
description de l’Etat du pays, parlant de la multiplication des agences
court-circuitant le gouvernement, dont l’Agence nationale des grands travaux, de
parlement d’enregistrement des ordonnances du président, d’un chef de l’Etat « autiste
et dans son univers » « qui ne dialogue avec personne », des
libertés publiques bafouées, des détentions arbitraires, des crimes rituels, de
l’endettement public entre 45 et 50% du PIB, pour une utilisation inappropriée,
du manque d’emploi et des grèves.
Viennent ensuite les propositions : il va « libérer
le pays par la première alternance », instaurer le dialogue.
Casimir Oyé Mba parle alors de la situation
administrative du chef de l’Etat et des faux actes de naissance, en indiquant
que le problème est d’abord l’absence de respect de la constitution. Il indique
que le « refus
de la candidature d’Ali Bongo » conduira à une « destitution ».
Selon moi, cette position pourrait aussi être une manière de désacraliser au
maximum le chef de l’Etat sortant pour casser l’idée d’un chef de l’Etat légitime
à la manière monarchique, l’idée d’un fils d’une espèce de père de la Nation ou
de chef traditionnel suprême, inconsciemment accepté en raison du pouvoir déjà
gardé depuis des décennies par sa famille, même dans sa manière de voler le
pouvoir, de voler les richesses, une manière aussi de casser un fatalisme face
aux élections fraudées. Si cela était perçu ainsi, il s’agirait de casser l’image
du dictateur jusqu’au bout, même s'il
est probable qu'il participe. Et il est évidemment
très improbable qu’il ne participe pas, puisqu’en dictature, un chef d’Etat n’obéit
qu’à ses propres règles, à un point tel que les stratégies de contournement des
obstacles par les démocrates ont dû se complexifier.
Selon Casimir Oyé Mba, le « dispositif
électoral est conçu pour que le PDG gagne ». Il demande « un audit
par des étrangers (de la communauté internationale) du dispositif électoral ».
Sur la liste électorale, il explique « l’enrôlement des étrangers après distribution
de cartes d’identité », « la biométrie tronquée », « sans
connexion des bureaux de votes », au minimum « l’interconnexion des
centres urbains pour 75% à 80% des électeurs ». Je crois comprendre
qu’il parle de l’authentification biométrique le jour du vote qui n’a été mise
en place que lors de 3 élections (Ghana lors de la présidentielle et des législatives de 2012 par la société GenKey, Nigéria lors
de la présidentielle et des législatives
de 2015 mis œuvre par la Ceni) et jamais dans des dictatures
où il n’y pas de consensus sur le processus électoral. Il explique que dans la CENAP, des partis satellites ont été introduits
pour remplacer la vraie opposition, et que la Cour constitutionnelle est une
vraie ‘Tour de pise’ qui penche toujours du même côté. Il souhaite une réforme
constitutionnelle : élection présidentielle à 2 tours et limitation à deux
mandats.
Il rappelle
les Biens Mal Acquis et critique enfin la place de la Holdind Delta Synergie
des Bongos.
Il revient
sur ses propositions : modifier l’attribution des marchés, diversifier l’économie,
améliorer les transports, les écoles. Il se fait fortement applaudir par la
salle quand il conclut que « la France ne doit pas intervenir pour choisir
les dirigeants ».
Le débat est
ensuite très court. La salle n’est pas acquise, certaines personnes sont pour
éviter d’aller aux élections sans garantie d’élection correcte. A une question
sur la responsabilité d’ancien ministre sur la situation actuelle, le leader de
l’UN répond que dans un gouvernement d’Omar Bongo, il y avait des divergences
qui n’étaient pas publiques, et que tous les ministres ne se ressemblaient pas.
Des craintes s’expriment aussi sur l’absence d’unité de l’opposition, et il
répond que les partis reflètent les positions de la population.
L’événement se termine par un rapide cocktail.
Régis Marzin,
écrit et publié le 20 juin 2016
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