Ce mardi 7 juin, à Paris, l’Institut français des relations internationales,
assisté par la Direction générale des relations internationales
et de la stratégie du ministère de la défense (DGRIS) organise une conférence
intitulée « Enjeux politiques et sécuritaires dans les
Grands Lacs. Les cas du Burundi et de la RDC ». Le point commun entres les 2 pays est
évidemment la limitation
du nombre de mandats présidentiels (+ dossier)
Je suis arrivé au début du débat de la première partie sur le Burundi.
Pendant ce débat
sur le Burundi, Tomas Van Acker, de
l’université de Gand, Thierry Vircoulon,
chercheur associé à l'Ifri (ex-ICG), et Antoine Kaburahe, directeur du
journal Iwacu,
répondent surtout aux questions sur l’avenir de l’accord d'Arusha.
Une commission pour la révision de la constitution parle déjà d’annuler l’accord.
Antoine
Kaburahe explique que l’Accord d’Arusha avec ses quotas de Tutsis et Hutus aurait
pu vieillir en démocratie et peut-être disparaître un jour, mais que pour l’instant
il avait d’abord permis 10 ans de paix.
Le chercheur belge dénonce la communauté
internationale qui n’a pas essayé, par le levier de l’aide, de prévenir la
crise. La Belgique, par exemple, à accordé 50 millions d’Euros d’aide
bilatérale sous conditions mal évaluées, lié au processus électoral de 2010 qui
en soi n’était pas mauvais. Thierry Vircoulon, lui, reproche à tous les garants, citant les français,
de n’avoir pas joué leurs rôles en « diplomatie préventive », sachant que la
justice transitionnelle était enterrée et que la démocratie a été attaqué lors
du second mandat, avec la fin de l’alliance du premier mandat. Il constate que
la médiation de l’Union européenne entre 2013 et 2015 a échoué.
Ensuite, sur la République démocratique du Congo, les intervenants sont,
de gauche à droite, Cyril Musila, chercheur associé à
l’Ifri qui parle de la « traçabilité et de la certification de
l'artisanat minier », Habibou Bangré,
journaliste, qui s’exprime sur « les mouvements citoyens et la jeunesse »,
et Marc-André
Lagrange,
consultant évoquant « 17
ans de présence de l’ONU ». Ils sont modéré-e-s par Christoph Vogel.
Habibou Bangré fait un bilan assez élogieux
des mouvements citoyens, la Lucha, Filimibi, et le Front citoyen, qui ne
peuvent que nous être sympathiques. L’ANR aurait décidé d’infiltrer les
mouvements. La Lucha est entrée dans le comité préparatoire du dialogue
national. Elle signale des divergences stratégiques dont sur la question du
leadership de l’opposition. Cette opposition se
réunit justement à Bruxelles pour en parler.
Cyril Musila, sur la traçabilité
et la certification de l'artisanat minier, en particulier dans le Kivu, explique l’Initiative
sur les Ressources naturelles qui vise à séparer l’exploitation artisanale des
minerais, le Coltan, l’Etain (Cassitérite), le Tungstène, et l’or, des
activités des rébellions. Ce sont surtout des notables et militaires des FARDC
qui empêchent l’organisation correcte. Il y a eu beaucoup de bonne volonté mais
la mise en œuvre est très décevante. Fraude et contrebande sont réalisées par
des notables « proches d’une mafia ».
Marc-André Lagrange est très convainquant sur les
aspects militaires et l'historique de la Monusco. Il dénonce un grand nombre d’erreurs
historiques de la force de maintien de la paix, qui obéit excessivement aux
Etats contributeurs, Inde, Pakistan, Afrique du Sud, Tanzanie, Malawi, pour
conclure sur une « impasse » présente. Mais, le chercheur est moins convainquant
sur le processus électoral actuel de la présidentielle. Sans doute insiste-t-il
trop sur un des scénarii possibles, celui où Joseph Kabila resterait maître du
jeu jusqu’au bout comme dans n’importe quelle dictature. Il est vrai que, selon
mes calculs, seules 2 présidentielles organisées en dictatures ont, depuis
26 ans, permis une alternance. Mais le rapport de force sur le Congo Kinshasa
est aussi inédit. Je suis surpris que personne ne rappelle les pressions
américaines constantes.
Selon moi, Marc-André Lagrange revient trop sur
2011. Si l'ONU a permis à Kabila de passer en 2011 par « au minimum, une
complicité implicite », et que ce qui lui a fait perdre du crédit dans l’opposition,
je ne suis pas convaincu que cela ne pèse alors qu’il y a un vrai rejet de
Kabila par la "communauté internationale", bien visible depuis plus d’un
an. En 2006, comme le précise Cyril Musila, l’ « instrumentalisation des
conflits à l’Est pouvaient marcher » et servir d’argument, mais en 2016, « aujourd’hui,
Kabila n’est plus la solution ».
La veille, l'Union africaine (UA), les Nations unies, l'Union
européenne (UE) et l'Organisation internationale
de la Francophonie (OIF) annonçaient qu’elles allaient assister
le facilitateur Edem Kodjo, pour
« permettre d'arriver à un consensus
permettant la tenue, dans le
cadre de la Constitution
congolaise, d'élections
libres, régulières, transparentes et crédibles », un
souhait très important exprimé par l’opposition et la société civile, et encore
récemment par l’Eurac. Comme à l’époque de la lutte contre le M23, est-ce
que le Conseil de sécurité ne pourrait pas jouer son rôle ? Fédérica
Mogherini l’a implicitement proposé, en parlant de travail
commun, le 6 juin à New-York. Edem Kodjo, ministre togolais et ami du
dictateur Faure Gnassingbé, pourrait donc réussir à faire avancer le processus malgré
son pedigree. Cela ne signifie par que l’on surestime le poids des
influences externes sur le rapport de force interne.
Le débat ne se conclut sur aucune certitude. Cela me
semble normal à ce stade du processus électoral congolais, qui reste pour l’instant
très imprévisible. La durée du délai après le 27 novembre n’est-elle pas en
train de se « négocier » en même temps que les conditions de
réalisation des élections ? Sur RFI, Corneille Nangaa, président de la
Commission électorale, dit le jour-même : « le fichier ne sera pas
disponible avant la fin de l’année. En milieu de l’année 2017, le fichier sera
déjà prêt. Le fichier aujourd’hui est le seul argument, malheureusement, qui
justifie la non-tenue de l’élection. » A bien lire, le fichier électoral
pourrait donc être prêt entre le 1er janvier et le 30 juin 2017. Au
contraire de ce qui s’observent habituellement dans les processus
électoraux dans les dictatures, une certaine raison se constate derrière le
flou diplomatique, les manœuvres des politiques congolais, et une négociation internationalement
suivie et extrêmement serrée.
Régis Marzin,
Article écrit et publié le 8 juin 2016
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