L'Initiative Panafricaine pour la Défense de la Démocratie (IPDD) organisait ce jeudi une conférence de presse
à l’Hôtel Crowne Plaza, place de la république à Paris. Les intervenants sont de
gauche à droite, Mathias Dzon,
président de l’ARD au Congo-Brazzaville, Freddy
Kita, Coordonnateur du comité de suivi de l’IPDD et Secrétaire général de la
Démocratie chrétienne en RDC, Daher Ahmed Farah, président du MRD, parti de
l'opposition djiboutienne, actuellement en retrait de la coalition USN, Saleh Kebzabo,
Chef de fil de l'opposition tchadienne, président de l’UNDR et candidat probablement
arrivé en
tête au 1er tour de la présidentielle tchadienne.
Puisque cette conférence suit les
présidentielles au Congo B, à Djibouti et au Tchad, c’est sans surprise que
la conférence traite en priorité de ces trois pays. Freddy Kita anime le débat et parle pour l’IPDD. Dans ces 3 pays,
le point commun est que le président sortant s’est attribué au premier tour
plus de 50% des voix réalisant ainsi un ’coup
d’Etat électoral de premier tour’.
Mathias
Dzon fait le
bilan de la mascarade
congolaise du 20 mars, après le « coup d’Etat constitutionnel ».
Pour lui, Denis Sassou Nguesso est président « de fait », jamais élu,
et donc un problème à résoudre pour le pays. Il ironise : « Mobutu s’était
attribué le titre de Président à vie, Bokassa d’Empereur,
au moins les choses étaient plus clairs ». Lui-même était en faveur du
boycott le 20 mars.
Saleh Kebzabo,
très applaudi par la salle comme président du Tchad, commence par démentir :
il n’était que premier au premier tour et pas encore élu. Comme toujours, très
réaliste, encore, il souligne les difficultés des oppositions africaines à
lutter ensemble contre les dictatures en Afrique centrale. Comme lundi
où il intervenait seul, il décrit le coup d’Etat électoral d’avril en
ajoutant quelques éléments, dont le fait que pendant la campagne, l’armée s’était
déjà déployée dans tout le pays pour empêcher un « soulèvement ». Il
annonce pour l’investiture en août des « actions pacifiques » contre
le pouvoir et « un quinquennat d’enfer ». Il précise, pour ceux ou
celles qui n’ont pas compris, que quand l’opposition parle de « Gouvernement
de salut national », il ne s’agit pas « de gérer le pays », mais
de structurer l’opposition pour « une refondation politique », en lien
avec « une jeunesse et une société civile combattive ».
Daher Ahmed Farah
retrace également les derniers événements à Djibouti. Son parti, le MRD, a
poussé la population au boycott de la présidentielle, puisque qu’ « il
n’y avait plus aucune chance après la
fin de l’accord cadre ». La participation réelle n’a été selon lui que
de 20%.
Saleh Kebzabo ne
reste que 15 ou 20 minutes à répondre aux questions des quelques journalistes
et de la salle. Sur le
procès Habré, il demande surtout d’en « relativiser les conséquences »,
parce qu’il n’y aura rien d’exemplaire, la
preuve étant que les crimes d’Etat ont continué violemment pendant le procès
dans plusieurs pays. A ma question sur les missions d’observation de l’Union
africaine et sur l’Union européenne, il redit ce qu’il a dit le lundi sur leur
inutilité et leur absence de sérieux. Il rappelle que jusqu’en 2008, le Parlement panafricain
menait des observations, et qu’il a participé à une mission en 2008 au Zimbawé
qui a eu un effet positif (Mugabe a été obligé d’accepter une
alternance au parlement, l’une des 5
alternances en dictature depuis 1990), puis que la commission de l’Ua a
ensuite empêché ces missions parlementaires de continuer. Il annonce que sur la
présidentielle tchadienne, les experts de l’Ue sont eux resté 55 jours, dont 1
mois avant, et ont écrit un rapport très objectif, pas encore publié. Sur le terrorisme et la collaboration militaire
internationale avec les dictatures, spécialement françaises, il ne doute pas
que « la phase amoureuse ne va pas durer plus longtemps ».
Daher Ahmed Farah
partage l’avis sur les missions d’observation de l’Union africaine. La dernière
à Djibouti a duré, comme au Tchad, moins d’une semaine, avec un regard sur 124
bureaux sur 456. La commission de l’Ua avait été saisie en 2013 après l’inversion
du résultat des législatives, mais n’a jamais donné de suite. L’Ue n’a « jamais
estimé une élection digne d’être observée à Djibouti », et en 2013 avait
envoyé des experts 3 mois qui avaient rédigé un « rapport accablant ».
En 2016, Guelleh a refusé les experts.
Mathias Dzon parle de la corruption fréquente au Congo B – les gens
disent que quelqu’un est « nguirisé », le nguiri étant un sac noir
rempli de billets – après avoir évoqué le passage de soi-disant
enquêteurs de l’Union africaine à la télé congolaise lors de la présidentielle.
Il souhaite une refondation de l’Ua.
Freddy Kita souhaite
rapidement avec l’IPDD, « saisir la communauté internationale sur les
massacres dans plusieurs pays ». Mathias Dzon
remarque qu’après les massacres dans le Pool, Denis Sassou Nguesso a
envoyé des membres de Caritas Congo avec des militaires, pour faire un rapport
édulcoré, à rejeter complètement. Il souhaite que le Conseil de sécurité s’empare
de la question du Pool.
Le débat revient assez longuement
sur la stratégie du boycott, deux
défenseurs du boycott étant à la tribune. L’alternative évoquée est la « mobilisation
de la population » pour Mathias Dzon, et la « conscientisation » de militants pour Daher
Ahmed Farah. Puis la fin du débat revient sur l’absolu nécessité d’obtenir des élections correctes et transparentes dans
les dictatures. Cependant, revendications plus précises sur les processus
électoraux et projets d’actions de plaidoyer ne sont pas directement discutées
en conférence publique.
Régis Marzin, article écrit et publié le 2 juin
2016
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