Ils et
elles étaient ce matin à 11 heure devant l’Elysée, et, sont venu-e-s à 2000 marcher
et protester contre le second coup d'Etat électoral d'Ali Bongo. La
manifestation, de nouveau de Trocadéro à l'ambassade, est très jaune, affichant
son soutien à Jean Ping, le président élu, même si beaucoup défendent beaucoup
plus les principes démocratiques que le leader lui-même. La foule est aussi
toujours concentrée sur les nombreux prisonniers politiques, dont les noms sont
affichés sur différentes pancartes : Bertrand Zibi, Ngoma, Rodney Ekorezok,
Jean-Rémy Yama,... La référence à la CPI est très visible.
Deux jours après le scandale de la déclaration du Ministre des affaires étrangères
français, Jean-Marc Ayrault : "Ce que nous voulons ce n'est
pas la déstabilisation du Gabon ; et pour ça il y a besoin que l'Union
africaine, qui a commencé à le faire, joue son rôle pour encourager Bongo à
chercher une politique de rassemblement parce que je pense que c'est l'intérêt
du Gabon mais c'est aussi l'intérêt de toute l'Afrique.», le Parti socialiste se
retrouve totalement divisé par cette validation surprise du coup d’Etat
électoral par le gouvernement. Les gabonais-es de France exigent rapidement une
prise de position de François Hollande. Ils et elles l’affichent : « François
Hollande, le tribunal de l’histoire t’attend au Gabon », et le crient :
"François Hollande : dit la vérité !".
Ce qui
choque le plus les analystes avertis, c’est que le dérapage de Jean-Marc
Ayrault a provoqué un conflit inutile avec l’exécutif européen. En propageant l’injonction
paradoxale absurde d’une réconciliation des victimes avec leur bourreau et voleur
récidiviste, il s’est attaqué à la position européenne ferme sur la question
technique du processus électoral. Si l’on peut regretter que Fédérica
Moghérini ait renvoyé la poursuite de la gestion de la crise vers l’Onu
impuissante et l’Union africaine dominée par les dictateurs, on ne peut que
constater sa fermeté sur la qualité du processus électoral en raison de sa
Mission d’observation, surtout que cette mission d’observation européenne, le
25 septembre, a regretté que « la
Cour Constitutionnelle n’ait pas été en mesure de rectifier de manière
satisfaisante les anomalies observées lors du recensement des votes. »
Jean-Yves le Drian a pris sur lui de se salir au maximum dans le
gouvernement en s'affichant constamment depuis 4 ans dans l'alliance avec le
dictateur tchadien Idriss Déby. Le ministre de la défense est connu pour son
indifférence à la lutte pour la démocratie en Afrique. En février 2014, François
Hollande, Laurent Fabius et lui avaient dû faire venir Idriss Déby à Paris pour
lui imposer
de retirer ses soldats de Centrafrique alors qu’ils y étaient manifestement
pour soutenir la Séléka, accusée de nombreux massacres. Aujourd’hui, une nouvelle
position ferme contre Idriss Déby serait nécessaire, d’autant plus qu’il a
instrumentalisé son mandat de président de l’Union africaine pour travailler
pour son intérêt personnel : le maintien des dictatures menacées par les
élections en Afrique centrale.
Le
président tchadien est venu sauver le tyran gabonais de la noyade, en envoyant
des juristes dans un théâtre de fausse légalité évident, plaçant ainsi le pays
dans une impasse, dans le cercle vicieux de l’impunité, de la répression, et
des élections fraudées. Alors qu’il vient lui-même de commettre
son propre coup d’Etat électoral, il est venu sauver Ali Bongo à
la manière de Nicolas Sarkozy en 2009. Il est probable que Jean-Yves Le
Drian, très silencieux, tente en coulisse d'empêcher le gouvernement français
d'être ferme face à la nouvelle catastrophe annoncée provoquée par son allié.
François Hollande
est de plus en plus distant vis-à-vis des crises africaines, se concentrant dernièrement
sur le Congo-Kinshasa plus simple pour lui. Pourtant, s’il disait la vérité sur
les massacres au Gabon, la vérité sur la Cour constitutionnelle, qui n'a ni
vérifié les procès verbaux, ni recompté, et qui a ainsi avoué sa complicité
dans l'inversion du résultat, il ferait d'une pierre deux coups. Il arbitrerait
les différentes positions internes du PS et montrerait le soutien du
gouvernement français à la démocratie en Afrique. Le PS peut-il supporter un
clivage interne des plus sensibles pour les diasporas africaines ? Celles-ci n’ont
pas oublié le coup
de couteau dans le dos du peuple congolais en octobre 2015.
Aujourd'hui, certain-e-s mettent en jeu leur vote en 2017: "Mon
vote en France contre Ali", "Si la France ne retire pas les paroles
du ministre Ayrault, le PS peut dire adieu à nos votes". Cette position
est contestée par d’autres, mais au Gabon, la réaction à la trahison française,
si elle se confirme, ne sera peut-être pas si rationnellement étayée. Les
ministres français ont-ils bien mesuré la volonté du peuple gabonais d’en finir
avec la famille Bongo, quel que soit le temps que cela prendra ?
Régis
Marzin, Paris, 1er octobre 2016. Plus
d’informations à suivre…
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