Le jeudi 15 septembre, la commission Transnationale d’Europe Ecologie les Verts organisait une
conférence-débat au siège du parti, avec Delphine
Lecoutre, Coordinatrice Tchad/Centrafrique
à Amnesty International France, Laurence Ndong, activiste gabonaise de
la campagne « Tournons La Page », Rémy Bazenguissa-Ganga, directeur d'études à l’EHESS,
spécialiste du Congo Brazzaville, et moi-même comme journaliste spécialisé dans
les élections en Afrique. Cécile Duflot était espérée mais ne passe pas. La soirée est animée par Abdessalam Kleiche et Régis Essono.
Je commence la conférence sur 3 points. L’année 2016 correspond dans le processus
de démocratisation continental depuis 1990, à un pic électoral qui arrive après
10 années de stagnation. Ces 10 années ont vu s’accumuler la tension entre
population et dictateur, un ras-le-bol. Il y a équilibre 22 / 22 en dictatures
et démocraties en Afrique, et l’évolution des prochaines années changera l’aspect
du continent. Je reviens ensuite sur les 3
coups d’Etat électoraux, avec inversion de résultat, du printemps, au Congo
Brazzaville, au Tchad et à Djibouti. Les méthodes étaient similaires :
inversion à la compilation des résultats, avec une nuance au Congo Brazzaville
avec l’invention totale des chiffres sans référence à des procès verbaux. Ce
pic a montré l’incohérence des réactions internationales et l’absence de prise
en compte internationale à la qualité technique des processus électoraux. Il y
a eu aussi un gros problème d’information dans les media.
Ensuite,
j’analyse l’évolution
assez nette des positions internationales dans la gestion de la crise gabonaise.
La qualité du
processus électoral est mise en exergue parce que le coup d’Etat électoral est
trop évident dans un cas de ‘rapport de force’ équilibré et même favorable à l’opposition
sur certains aspects. Il
apparaît que le rôle de l’Union européenne, avec sa mission d’observation, impacte
maintenant l’Union africaine. Celle-ci est invitée à s’améliorer pour faire face
à une crise, où la Responsabilité de protéger les populations, discutée surtout
au niveau des Nations-Unies, entre en jeu. La crise est concomitante du ‘dialogue
national’ à Kinshasa, et fait réfléchir sur l’avenir de l’Afrique centrale au
niveau démocratisation. La question est posée : peut-on laisser ‘pourrir’
l’Afrique centrale à moyen terme quand les populations ne supportent plus les
dictateurs ?
Delphine Lecoutre fait le bilan des violations des
droits humains lors de la présidentielle d’avril au Tchad, en évoquant, entre
autres, les arrestations et détentions arbitraires de leaders de la société
civile et les disparitions de militaires. De graves atteintes aux libertés
d'expression, de réunion et d'association ont été commises par les autorités
tchadiennes dans le cadre de ce processus électoral. Amnesty demande à l’Union africaine d’agir pour la protection de la
société civile et des défenseur(e)s des droits humains afin de leur permettre
de faire leur travail sans restrictions injustifiées ni harcèlement.
Rémy Bazenguissa-Ganga décrit les « guerres électorales en
insistant sur le Congo Brazzaville ». Il y a parfois « menace de
dissolution de la totalité politique ». Selon lui, les processus
électoraux ne s’achèvent pas, il y a « continuité politique », dans
la « reproduction d’un ordre autoritaire ».
Sur le Gabon, Laurence Ndong revient sur l’histoire du pays, le pouvoir d’Omar
Bongo puis d’Ali Bongo. Le dictateur sortant a envenimé rapidement l’Etat du
pays, en ne respectant pas le droit, en se nommant président de l’agence des
grands travaux, en légiférant par ordonnances sans débats, en laissant faire
les crimes rituels, en laissant la situation s’aggraver au niveau pauvreté et
éducation. Elle décrit ensuite le coup
d’Etat électoral. Elle craint des centaines de morts et la découverte de
charniers. Pour elle, le conflit est entre Ali Bongo et le peuple, alors que
Jean Ping incarne l’alternance.
Le débat avec la salle, environ 50 personnes, permet de revenir surtout sur
la situation au Gabon. Ce qui interroge, c’est évidemment la discontinuité dans
les positions des acteurs internationaux. Concernant le Gabon, la discussion
des logiques sous-jacentes permet de commencer à commencer à comprendre sans
anticiper sur la suite. La diversité des configurations nationales en Afrique doit
aussi être considérée : le Gabon est différent de Djibouti, du Tchad, du
Congo B ou de la Guinée Equatoriale.
La dernière question porte sur le « poids et l’efficacité de l’Ue,
de l’Onu et de l’Ua actuellement au Gabon ». Je réponds que, bien que
l’on soit habitué aux échecs et à l’hypocrisie du soutien international à la
démocratie en Afrique, l’on peut aussi décrire des nouvelles logiques et causes-conséquences,
par exemple en tenant compte de la Responsabilité de protéger les populations
en arrêtant les crises au plus tôt. Ainsi, actuellement, pendant l’exercice de
la Cour constitutionnelle, il apparaît une situation inédite, pendant laquelle
la qualité technique du processus électoral est réellement pour une fois en
cause, pendant laquelle se modifient les relations entre puissances influentes,
Ue, Ua, Onu, sans que l’on sache comment cela se poursuivra, entre « impuissance,
théâtralité, influence douce et/ou arbitrage international ferme ».
Régis Marzin, Paris, écrit et publié le 19.9.16
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