Alors que la manifestation devant l’ambassade
n’était pas encore terminée, l’activiste Laurence Ndong s’est rendue à la Fête
de l’Humanité où elle devait prendre la parole dans l’espace principal de débat
de la fête, l’Agora. La journaliste Rosa Moussaoui a mené l’interview.
La fête de l’Humanité est un lieu de revendications
sociales et économiques virulentes. Pour se faire entendre dans cette
immense foire, où l’on croise des stands qui n’ont pas bougé depuis la fin de la
guerre froide, certain-e-s en rajoutent dans les critiques et les invectives.
Au village du monde, des militants embadgés viennent rappeler aux nouvelles
générations les vertus de l’anticapitalisme et de l’anti-impérialisme. Jean
Ping et sa coalition issue du système d’Omar Bongo sont-ils acceptables à la
Fête de l’Humanité, au milieu des posters de Che Guevara ?
Mais la fête gère ses contradictions depuis très
longtemps et permet aussi de nombreux débats subtils. Laurence Ndong commence
par expliquer le sens de l’élection présidentielle gabonaise pour la
population. Ce que peut comprendre le public français, c’est que ce qui compte,
ce ne sont pas les personnalités politiques, mais l’exigence de la population
d’un changement radical, la fin de la dictature de la famille Bongo et de son
parti, le PDG. Elle commence par rappeler, à la manière de la Campagne Tournons
la Page dont elle fait partie que « 87% des gabonais n’ont connu que la
famille Bongo au pouvoir », et que le vote n’est « pas pour Jean Ping
mais contre Ali Bongo ». Elle précise que Jean Ping s’est engagé à
réaliser des réformes constitutionnelles, élection présidentielle à deux tours
et maximum de deux mandats. Pour elle, la population a changé, et la relation
avec la France, aussi, a changé.
Elle décrit ensuite les massacres, qui auraient
fait « entre 50 et 100 morts et plus encore de disparus ». Elle
évoque l’utilisation d’acide lancé par hélicoptère. Puis, Laurence Ndong
conclut sur le processus électoral et la Cour constitutionnelle, la « tour
de pise » qui penche toujours du même côté. Selon elle, les observateurs
de l’Union européenne pourront « assister au recomptage » - ce qui
n’est pas évident, aux dernières nouvelles -, surtout concernant le
Haut-Ogooué, et que les résultats « bureau de vote par bureau de
vote » donneront Jean Ping vainqueur.
Le lendemain matin, les débats redémarrent. Le
village du monde lui-même, c’est-à-dire, le journal L’Humanité en lien avec le
PCF, organise un débat sur la Cour pénale internationale, très axé sur la Côte
d’Ivoire. La star de l’altermondialisme simplifié, Aminata Traoré, demande à
tous les états africains de se retirer de la CPI, qu’elle considère comme un
instrument de domination occidentale. Le burkinabé Bénéwédé Sankara réclame des
justices nationales efficaces. L’ancienne ministre ivoirienne du FPI, Odette
Sauyet, réclame une justice africaine.
Sur l’Afrique, d’autres débats ont lieu. Au stand
de la Plateforme panafricaine, le dimanche, lors de mes passages, les débats
portent sur le Tchad, le Burkina Faso et le Bénin. Au stand de l’association
Survie et du Collectif Ni Guerres Ni
état de Guerre, j’arrive par hasard au début du débat « Elections en
Françafrique, focus sur le Gabon », où intervient Régis Essono,
responsable du groupe Afrique d’Europe Ecologie les Verts et membre actif de la
diaspora gabonaise. Après avoir présenté le processus électoral de manière
assez détaillée et la situation de crise actuelle, celui-ci insiste sur la
volonté de voir le gouvernement français agir plus concrètement par des
sanctions. Le 3 septembre, EELV a « exhorté la communauté internationale,
y compris l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats
d’Afrique centrale (CEEAC), à ne pas reconnaître les résultats de cette
élection et à prendre
les sanctions appropriées ».
Comme spécialiste des Elections en Afrique présent
dans le public, je suis heureux d’intervenir au milieu des militant-e-s de
Survie Paris pour parler du contexte international. C’est l’occasion pour moi
de rassembler mes idées sur les raisons potentielles de changement de positionde la communauté internationale et africaine. Ce débat de la fête de l’Humanité
n’a rien permis de conclure sur les différentes hypothèses. Les participant-e-s sont reparti-e-s avec leurs doutes.
Au milieu de l’après-midi, la plupart des débats
concernant l’Afrique se terminent, et il ne reste plus que le bruit de la fête.
En cette année marquée par les attaques terroristes, l’Huma est toujours là
pour apporter la joie dans la banlieue et dévoiler désir de luttes, de bonheur,
d’amour de la musique, de liberté sous le soleil. La société exprime sa résistance
insouciante sous toutes ses formes, vestimentaire et inconsciente.
Régis Marzin, écrit et publié le 14.9.16
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